97.
Carroll rouvrit lentement les yeux et s’assit. Il était entouré de bruits assourdissants, de lumières aveuglantes, de silhouettes fugaces qui couraient partout. Sur le toit, il régnait un désordre effarant.
Des visages penchés sur lui l’observaient. Des flics new-yorkais, un médecin ? D’autres aussi, qu’il ne parvenait pas à resituer dans l’immédiat. Les images s’imprimaient dans son cerveau de façon sporadique.
— Que s’est-il passé ? demanda-t-il. Depuis combien de temps suis-je… Où est passé le corps qui était là ? Il y avait un cadavre, là-bas !
Le corps de Walter Trentkamp avait disparu…
Un policier en uniforme de la ville de New York s’agenouilla à côté de Carroll. Ce dernier ne l’avait jamais vu.
— De quel corps parlez-vous ?
Carroll tourna la tête de manière à pouvoir promener son regard sur toute l’étendue du toit.
— Il y avait un corps là-bas, près du Cobra. Walter Trentkamp, du FBI, a été abattu, exactement là-bas.
Le policier secoua la tête.
— Je fais partie des premières personnes qui sont arrivées sur le toit. Il n’y avait pas d’autre corps. Vous savez que vous avez une énorme bosse sur le dessus du crâne ? Vous êtes sûr que ça va ?
Carroll se leva et manqua retomber par terre.
— Oh oui ! Je vais bien. Super bien, même.
Ses yeux larmoyaient. Il était dans le corps d’un autre. S’agrippant aux briques du mur, il entreprit de descendre les marches métalliques de l’escalier en colimaçon qui partait du toit.
On avait emmené le corps de Walter Trentkamp.
Le flic l’appela :
— Hé, vous devriez vous faire examiner par un médecin ! Demandez à quelqu’un de jeter un coup d’œil à votre tête. Il n’y avait pas de corps, ici.
Carroll entendit à peine les derniers mots du policier.
Une autre priorité s’imposait brusquement à lui : il voulait rentrer chez lui. Il avait besoin de rentrer chez lui sur-le-champ.
Carroll songea à ses enfants et à Caitlin.
Il pensa au rendez-vous que celle-ci avait eu avec Birnbaum et il s’interrogea sur ce qui avait bien pu en sortir. Il s’inquiétait pour ceux qu’il aimait.
Il ne sut pas comment il réussit à conduire jusqu’à Riverdale. L’habitude, sûrement – toutes ces nuits où il était rentré à moitié soûl, ces derniers mois. Peut-être que Dieu protégeait bel et bien les bébés et les ivrognes. Mais il viendrait sans doute un jour où Dieu se démettrait de ses responsabilités, où il cesserait de se montrer attentif…
Et donc ?